Portrait de Sophie Ladame, citoyenne du Monde

Sophie Ladame partage sa vie entre ses deux grandes passions : le dessin et la navigation. Parcours d’une illustratrice-exploratrice, animée par la passion du voyage et des rencontres, mais qui reste fidèle à Saint-Malo, son port d’attache.

Sophie Ladame naît en 1974 à Arcachon. Son père, pilote d’hélicoptère dans l’Armée de l’air, est régulièrement envoyé en mission dans les DOM-TOM. Grâce à lui, la famille Ladame alterne les séjours entre la Métropole et les Îles de l’Outre-Mer. Sophie passe ainsi une partie de son enfance en Nouvelle-Calédonie et une partie de son adolescence en Polynésie française. Sur place, elle fait le plein d’images et de sensations. Elle se délecte des lumières exceptionnelles qu’offrent les îles du Pacifique. Elle explore le littoral à bord du voilier familial. Armée de lunettes de plongée et d’un tuba, elle part à la découverte des fonds marins. « Lors de notre séjour à Tahiti, nous allions passer le week-end sur l’île d’en face : Mo’orea. Pour les vacances, nous partions à Bora Bora, Huahine, Uturoa… », se souvient-elle, consciente des conditions privilégiées dont elle a pu bénéficier toute sa jeunesse. A l’âge de 18 ans, Sophie revient en France pour passer le baccalauréat. Lors de l’épreuve de dessin, le jury lui donne un médiocre 6/20. L’une des examinatrices lui conseille même d’arrêter cette discipline : « Vous ne savez pas ce que vous racontez, Mademoiselle ! » La demoiselle ne se laisse pas démonter. Elle se dit : « Je ne sais pas ce que je raconte, mais au moins je raconte quelque chose ! » Avec un esprit de contradiction hors du commun, elle décide de devenir dessinatrice. Elle s’inscrit à l’école d’arts graphiques Axe Sud de Marseille « pour avoir de bonnes bases ». Mais la jeune Sophie ne peut pas rester en place… Ses années d’études sont émaillées de longs séjours à l’étranger, le premier à Singapour où elle commence à vivre de ses talents artistiques, le deuxième aux Etats-Unis où elle vend des dessins « pour mettre du carburant dans la vieille Volkswagen » qui la conduit vaillamment d’un état à l’autre. Son diplôme en poche, Sophie s’installe à Paris où elle commence à travailler comme illustratrice pour la presse magazine. A 24 ans, elle traverse l’Atlantique avec son père, sur « une petite bicoque ». Elle réalise des croquis pendant toute la durée du périple et à son arrivée dans les Caraïbes. A son retour en France, la maison d’édition Gallimard lui donne sa première chance : réaliser un carnet de voyage sur l’île de la Réunion pour la prestigieuse collection Carnets du littoral. Une fois ce premier livre publié, d’autres éditeurs lui font confiance et l’envoient aux quatre coins du monde. L’Ile Maurice, le Laos, Cuba, la Nouvelle-Zélande, le Vietnam viennent s’ajouter à la liste des pays qu’elle a explorés… et croqués. L’artiste qui se veut témoin fidèle de la réalité des régions qu’elle visite privilégie les dessins sur le vif. Elle fixe sur la toile – ou sur d’autres supports qu’elle affectionne, comme le papier kraft, les cartes maritimes ou encore les feuilles de vieux livres de prières – les scènes du quotidien qui s’offrent à son regard. Chacune de ses expéditions donne lieu à un magnifique carnet de voyage.

En 2004, la carrière de Sophie prend un nouveau tournant. Cette année-là, l’homme d’affaires Michel Edouard Leclerc l’invite à venir passer une journée à Brest dans le cadre des Fêtes maritimes. Dès qu’elle se retrouve sur les pontons du port, l’illustratrice « tombe en amour » pour La RecouvranceLa CancalaiseLa Granvillaise et tous les autres voiliers traditionnels réunis pour l’occasion. Elle éprouve instantanément la nécessité de poursuivre sa vie au milieu de ces bateaux. Portée par cette nouvelle ambition, elle se fait engager sur le cotre corsaire Le Renard pour apprendre les ficelles du métier. Elle passe ensuite le Certificat d’Initiation Nautique, premier diplôme de matelot. Pour finir son apprentissage, elle s’inscrit au Lycée maritime de Saint-Malo où elle décroche le Capitaine 200, brevet permettant d’exercer des responsabilités à bord d’un navire. Ayant eu vent de ses qualités, une armatrice du pays de Saint-Malo, Céline Saint-Plancat, lui propose de skipper l’un de ses bateaux, La Mauve. Propulsée capitaine d’une petite embarcation, Sophie Ladame fait naviguer les particuliers, leur apprend les manœuvres. En acceptant ce poste, l’exploratrice devenue navigatrice accepte également de se poser quelque part, après toutes ces années d’itinérance. Saint-Malo devient ainsi son premier véritable port d’attache. Pour la première fois, elle peut construire des relations sur du long terme, se faire des amis. « Jusqu’à présent, confie-t-elle, j’ai toujours été une étrangère, la nouvelle qui arrivait dans un pays, dans une école… » La navigation sur la côte Bretagne Nord, réputée difficile, constitue un challenge qu’elle s’empresse de relever : « Si j’arrive à naviguer ici, à appréhender le système des marées, alors je pourrais naviguer sans crainte dans bien d’autres zones du globe… »

En 2011, elle achète les locaux d’une ancienne boucherie dans le quartier de Saint-Servan et les convertit en atelier. Elle dispose maintenant d’un lieu où elle peut résider et travailler : « un lieu adaptable, qui répond à mon mode de vie ». En novembre de cette même année, l’émission Thalassade France 3 lui consacre un portrait d’une vingtaine de minutes, Les Bonheurs de Sophie, lors d’une spéciale enregistrée à Saint-Malo. Du jour au lendemain, Sophie accède à une certaine forme de notoriété. Ses dessins se retrouvent sous le feu des projecteurs. En 2013, soit seulement deux ans plus tard, une grande exposition organisée à la Chapelle Saint-Sauveur, au cœur de Saint-Malo intra-muros, vient couronner l’ensemble de son travail. Une rétrospective d’une telle ampleur dans un lieu aussi prestigieux… il n’en fallait pas plus pour qu’on lui parle de consécration. Mais les termes de « couronnement », d’« aboutissement », de « consécration » mettent Sophie Ladame de mauvaise humeur. Allergique à l’autocongratulation, peu disposée à faire le bilan de sa carrière alors qu’elle n’a que 39 ans, l’illustratrice préfère évoquer l’avenir et les idées d’expédition qui se bousculent dans sa tête. Caboter en solitaire sur un petit bateau traditionnel, suivre une caravane d’éléphants en Birmanie, tels sont les projets qui l’animent et pour lesquels elle nous donne rendez-vous dans les mois qui viennent. Car si elle s’est trouvé un havre de paix à Saint-Malo, l’illustratrice n’a pas renoncé à sa vie de voyages. Et nous, nous n’avons pas fini d’entendre parler de Sophie Ladame.

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