Portrait du peintre Shwan

Il se fait appeler par son prénom, qui signifie « berger » dans sa langue maternelle. Après des années douloureuses marquées par la dictature et l’exil, il a retrouvé en France une certaine sérénité. De Souleimaniye à Saint-Malo, parcours en quelques lignes de l’artiste d’origine kurde, Shwan.

Shwan naît en 1955 au Kurdistan, et plus précisément dans la partie irakienne de cette région partagée entre quatre nations (la Turquie, l’Irak, l’Iran et la Syrie). Son enfance est marquée par la violente répression que l’occupant irakien exerce sur la population. Le jeune Shwan assiste à des scènes qui le hantent encore aujourd’hui : les soldats sur les toits, les chars dans la rue, les résistants pendus sur la place publique… L’Art se présente alors comme une échappatoire. Souleimaniye, la ville où il est né et où il grandit est considérée comme la capitale culturelle du Kurdistan : de nombreux artistes y ont élu domicile. Shwan se retrouve pris dans ce bouillonnement intellectuel et artistique. Il développe un intérêt pour la peinture. A l’âge de 18 ans, il décide d’étudier les Beaux-Arts. Comme les écoles d’art sont interdites au Kurdistan, il doit s’inscrire à l’Ecole d’Arts plastiques de Bagdad, alors qu’il ne parle pas l’arabe. Après cinq années d’études, il rentre au Kurdistan et décroche un poste d’enseignant au Centre culturel de l’Université de Souleimaniye.

Le retour au pays est un soulagement, mais bien vite le poids de la dictature irakienne devient trop lourd à porter. L’artiste ne peut pas travailler librement : il doit mettre ses créations au service du régime… ou s’abstenir de créer. Impuissant devant l’oppression que subit son peuple, tenu de ne pas exprimer la moindre opinion, Shwan décide de partir. Ils sont comme lui des dizaines d’artistes, anciens diplômés des Beaux-Arts, à préférer l’exil, plutôt que la soumission. La plupart d’entre eux optent pour la Suède ou l’Italie. Shwan choisit la France, car il a l’intention de compléter sa formation d’artiste dans ce pays dont il admire les grands peintres. A son arrivée, il trouve refuge auprès d’anciens amis. Alors âgé de 25 ans, il reprend des études d’Arts plastiques à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Pour gagner sa vie, il peint des tableaux sur les places. A partir de 1983, il plante son chevalet à Saint-Malo tous les étés : l’affluence touristique de la station balnéaire est en effet bénéfique aux « peintres de rue ». En 1989, il s’installe à Saint-Méloir, puis quelques années plus tard dans la Cité corsaire. En 1995, la Ville de Saint-Malo lui accorde un local niché au creux des remparts : une galerie chaleureuse, dans un lieu atypique, qui va lui permettre de vivre de son art.

Illustration de Shwan publiée dans un magazine pour enfants du Kurdistan.

Aujourd’hui, le travail de Shwan donne naissance à deux types de créations : des œuvres figuratives, destinées au grand public, et d’autres plus personnelles tournées vers l’abstraction. Ses œuvres figuratives, ce sont les peintures qu’il expose toute l’année dans sa galerie : des marines paisibles illuminées par les voilures aux couleurs éclatantes de bateaux en sommeil. Quant à l’abstraction, il y est arrivé progressivement, après différentes étapes « techniques » et des années de recherche. Il l’utilise pour exprimer plus librement son ressenti et ses émotions. Elle agit également comme un remède : « Je n’ai jamais peint autrement que pour résoudre une crise et traverser une étape de ma propre histoire, avec l’obscur désir d’accéder à un monde limpide et serein », déclare-t-il en 1994 au journal Ouest France. Sur ses grandes toiles abstraites, on distingue tout de même quelques traces de figuratif : des silhouettes auxquelles nous nous identifions et qui nous invitent à entrer dans un univers à la fois vaporeux et lumineux.

Shwan a été naturalisé français en 1992. Il a maintenant trouvé toute sa place dans son nouvel environnement. Il se sent malouin à part entière et s’investit pleinement dans les activités culturelles et artistiques de sa ville d’accueil. Aux tableaux tourmentés du début, peints sous l’emprise d’un passé douloureux, ont succédé des créations plus apaisées. A l’autre bout du monde, le « pays » de Shwan connaît lui aussi une forme d’apaisement. La partie irakienne du Kurdistan a en effet obtenu une certaine autonomie. Des élections y sont organisées à l’échelle locale. Si elle ne s’est pas encore entièrement affranchie de la tutelle du géant voisin, elle n’est plus la région fantôme qu’elle était à la naissance de l’artiste. Depuis quelques années, Shwan y retourne régulièrement pour retrouver les membres de sa famille et pour chasser au passage quelques vieux démons de son enfance.

Galerie Shwan
Porte Saint-Thomas, Place Vauban
Saint-Malo intra-muros 
E-mail : galerieshwan[@]hotmail.com
Tél. : 06 86 89 28 46

2 Commentaires sur “Portrait du peintre Shwan

  1. hilt says:

    c’est un plaisir quotidien d’admirer deux de vos tableaux et d’y découvrir à chaque fois un univers différent. Merci pour ce que vous faites, la création étant la seule chose nous permettant de faire abstraction du temps qui passe.

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