70e anniversaire de la Libérationde Saint-Malo – Regard sur le livre L’été des Moissons rouges

Août 1944 – août 2014. La ville de Saint-Malo célèbre cet été le 70e anniversaire de sa Libération. A cette occasion, Saint-Malo-Rama s’intéresse à la genèse du livre de Denis Lafond, L’Eté des moissons rouges, qui nous fait revivre au jour le jour l’avancée des troupes alliées jusqu’aux remparts de la Cité corsaire. Publié en 2010, L’Eté des moissons rouges compte parmi ces livres que tous ceux qui se passionnent pour l’histoire récente de Saint-Malo doivent avoir entre les mains.

A l’origine de L’Eté des moissons rouges, il y a le livre du Docteur Paul Aubry, La Ruée sur Saint-Malo« Ce livre est la Bible, la référence absolue pour tout ce qui concerne la Libération de Saint-Malo, nous explique Denis Lafond. De nombreux historiens, conférenciers, chroniqueurs ont fondé leur travail sur ses écrits ». Si l’œuvre du Docteur Aubry est capitale, c’est parce que l’homme, de par sa fonction de médecin, est allé au contact des habitants du pays de Saint-Malo dès les premières heures de la Libération. « Son lieu de travail habituel, l’hôpital de Saint-Malo intra-muros avait disparu sous les bombardements… on lui a prêté une voiture pour qu’il puisse se rendre au domicile de ses patients »précise Denis Lafond. Le Docteur Aubry a ainsi rencontré tous ceux qui, évacués par l’Occupant, se sont réfugiés dans l’arrière-pays, ceux qui ont accueilli les familles d’exilés, tous les témoins des combats qui ont accompagné la progression des troupes alliées. Il a consigné minutieusement des centaines de récits, témoignages de souffrance ou d’espoir.

Les auteurs du livre L’Eté des moissons rouges, Brigitte et Denis Lafond, en août 2014. © Saint-Malo-Rama.

En 1994, alors que l’on célèbre le 50e anniversaire de la Libération, Denis Lafond s’aperçoit qu’aucun hommage n’est rendu au Docteur Aubry« 1994 a fait énormément de mal aux petites gens, résume-t-il. Le public était très frustré, on n’a pas tenu compte des témoignages, on n’a pas invité les personnes qui ont vécu directement les événements. On a donné la place aux conférenciers, aux savants. On a oublié toute cette population : les gens du cru, les résistants, les personnes arrêtées ou déportées, les travailleurs du STO, les interprètes, les agents administratifs, la défense passive, les brancardiers… tous ces acteurs qui sont au cœur du livre du Docteur Aubry. » En réaction à cette absence, Denis Lafond lance un grand projet : reprendre les écrits du Docteur Aubry et les confirmer par un travail d’iconographie, de photographie et de documentation. Il contacte la famille du médecin. Celle-ci se montre toute de suite enthousiaste et l’idée finit par faire son chemin. Petit à petit, les autorisations tombent. Denis Lafond peut commencer à construire…

Il s’en suit dix années de dur labeur… Avec la patience de l’archéologue, Denis Lafond et sa compagne Brigitte vont revenir sur chacun des lieux mentionnés dans La Ruée sur Saint-Malo, afin d’interroger les témoins et retrouver les auteurs des photos. La « moisson » qu’ils obtiennent va bien au-delà de leurs espérances… De nouveaux récits poignants émergent plus de 50 ans après. Des photos oubliéessont retrouvées dans les tiroirs, ou dans les greniers. Comme celles de la libération du quartier de Moka, qu’une famille conservait dans une boîte à gâteaux et que personne n’avait encore jamais vues. Ou bien celles prises pendant la Guerre par le photographe avranchinais Le Noan : « Cinq photographes ont succédé à Le Noan, nous explique Denis Lafond, mais le fonds a été miraculeusement conservé. »

Lanhélin, août 1944. Une photo extraite du livre L’été des moissons rouges de Denis Lafond. © Collection privée.

Ce travail de fourmi va donner naissance à un livre monumental, véritable anthologie de la Libération dans le pays de Saint-Malo. Publié à compte d’auteur, L’Eté des moissons rouges donne la parole à plus d’une centaine de témoins, regroupe plus de 800 photos ou documents d’époque. Dès sa sortie, il rencontre un franc succès. « Nous pensions toucher seulement les gens qui ont vécu cette période, indique l’auteur. Or nous avons touché un public beaucoup plus large. Les collégiens, les lycéens se sont intéressés à cette histoire-là. Les parents ont pu en discuter avec eux. Les professeurs ont utilisé le livre comme support de cours. » Denis Lafond se félicite d’avoir créé un outil de communication « intergénérationnel », facilitant le dialogue entre les aînés qui ont vécu les événements et les plus jeunes qui veulent savoir ce qu’il s’est passé.

En effectuant ce long travail de recherche, Denis Lafond a accompli ce qu’il appelle un devoir : « C’est un devoir sacré envers tous ceux qui sont tombés et un devoir de mémoire pour les générations futures », écrit-il dans son avant-propos. Nous autres lecteurs pouvons également contribuer à maintenir en vie la flamme du souvenir, tout simplement en parlant de ce livre autour de nous et en participant à sa diffusion.

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