Regard sur la bande dessinée « Fanch Karadec, L’affaire malouine »

La série de bandes dessinées Fanch Karadec, l’enquêteur breton comprend désormais trois tomes. L’un d’entre eux L’affaire malouine se déroule dans les environs de Saint-Malo. Il n’en fallait pas plus pour nous inciter à le lire… et à le décortiquer.

En 2010, le scénariste Stéphane Heurteau et le dessinateur Sébastien Corbet présentaient Le Mystère Saint-Yves, première enquête d’un sympathique retraité breton dénommé Fanch Karadec. Encouragés par le succès de l’album, les deux complices se sont retrouvés deux ans plus tard pour imaginer la suite des aventures de l’enquêteur. Intitulé L’Affaire malouine, le deuxième tome de la série ne pouvait qu’attirer notre attention.

Dans ce nouvel épisode, le détective aux lunettes rondes passe d’agréables vacances sur l’île de Chausey en compagnie de Soizig, son épouse. Mais les amateurs de romans policiers le savent bien, les vacances des détectives ne sont jamais de tout repos. Voilà que des événements imprévus viennent perturber le séjour de notre héros : une tempête exceptionnelle, des vols commis dans l’hôtel pendant une panne d’électricité, et puis surtout, la découverte de deux corps rejetés par la mer, à deux emplacements différents de l’île. Existe-t-il un lien entre les vols et les noyades ? Les deux victimes se connaissaient-elles ? Et qui est ce jeune homme au bonnet marin aperçu sur la grève devant l’un des corps ? Les questions se bousculent dans le cerveau du détective qui n’a plus goût pour le farniente et décide finalement de rentrer au bercail. Quand, quelques jours plus tard, son vieil ami Malwenn, capitaine de police, lui annonce le nom de l’une des victimes, Loïc Nicolaz, Fanch Karadec sait qu’il tient une première piste. Faisant bon usage de sa grande sagacité, il va tenter de résoudre l’affaire qui a endeuillé l’île de Chausey (et gâché ses vacances).

Bande annonce de la bande dessinée Fanch Karadec, L’affaire malouine.

Ainsi esquissée, l’intrigue paraît séduisante. Hélas, après un démarrage en fanfare, elle retombe vite à plat. Page après page, le lecteur peine à se passionner pour cette histoire sans relief centrée autour des activités interlopes d’une société d’armateurs basée à Saint-Servan. Seul un retour dans le passé intervenant à la fin de l’album parvient à nous sortir de notre torpeur… Malheureusement, cette jolie parenthèse, dessinée dans des tonalités sépia, est sans rapport aucun avec la trame d’ensemble (on soupçonne qu’elle a été ajoutée pour atteindre le seuil des 64 pages). Autre grande faiblesse de L’affaire malouine : les différents personnages qui peuplent l’album manquent terriblement de crédibilité. Les portraits qui nous sont brossés de ces petites gens ancrés dans leur terroir et exerçant tous des métiers traditionnels frôlent la caricature. Serjio, archétype du vieux loup de mer, en est l’exemple le plus frappant : la casquette vissée sur le crâne, la barbe épaisse, l’homme « empeste le poisson », mais derrière son air bourru dissimule, sans surprise, un cœur gros comme ça…

Alors faut-il pour autant se détourner de L’affaire malouine ? Pas entièrement puisque les deux auteurs ont eu le bon goût de faire évoluer leur intrigue, aussi conventionnelle soit-elle, dans des décors tout à fait prestigieux. Saint-Malo, bien sûr, mais aussi Saint-Suliac, Cancale, Paimpol défilent sous nos yeux à mesure que notre héros déroule le fil de son enquête. Au-delà des paysages, l’album dispose d’un autre atout majeur : son atmosphère générale, froide et humide comme l’hiver qui a pris possession des lieux, visqueuse comme le poisson que Serjio l’ami pêcheur capture dans ses filets. Une ambiance de polar, sombre à souhait, qui doit beaucoup au dessin de Sébastien Corbet : à la limite du crayonné, son trait impressionniste traduit parfaitement la noirceur de l’affaire que Fanch Karadec entreprend de démêler.

Pour résumer, nous dirons que l’album est une réussite sur le plan visuel, mais qu’il manque terriblement de punch sur le plan narratif. Il ne nous reste plus qu’à nous pencher sur le nouvel épisode de la série, La disparue de Kerlouan, en caressant l’espoir que Heurteau et Corbet auront corrigé dans ce troisième tome tous les petits défauts qui nous ont frustrés à la lecture de L’affaire malouine.

Stéphane Heurteau et Sébastien CorbetFanch Karadec, l’enquêteur breton, Tome 2 : L’affaire malouine. Editions Vagabondages. Mise en couleur : Stéphane Heurteau.

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