La mission tragique des Typhoons de la RAF sur Saint-Malo

Juin 1944. La Royal Air Force mène un combat sans merci contre les positions allemandes situées le long des côtes bretonnes. Elle prépare le terrain aux forces alliées fraîchement débarquées en Normandie. Le samedi 24, c’est la « forteresse » de Saint-Malo, l’un des points stratégiques du Mur de l’Atlantique, qui est visée. L’issue du raid sera fatale pour deux des pilotes engagés dans la mission…

Une activité certaine règne sur l’aérodrome de Bolt Head en ce gris matin du 24 juin 1944. Situé à l’ouest d’Exeter, dans le Devon (Angleterre), Bolt Head est la nouvelle base des Hawker Typhoons du Squadron 263 de la Royal Air Force, depuis à peine cinq jours. Positionné jusqu’alors à Harrowbeer, au nord de Plymouth, l’escadron a finalement adopté cet autre aérodrome, car il convient mieux pour quadriller sa zone d’opération qui couvre toute la Bretagne, entre Brest et Cherbourg, ainsi que les Iles Anglo-Normandes.

Les pilotes connaissent bien la Bretagne, théâtre de nombreuses incursions depuis 1942, et en particulier Saint-Malo, cible de la mission du jour. Port d’attache de la 2e flottille de patrouilleurs, et des 46e et 24e flottilles de dragueurs de mines de la Kriegsmarine depuis plus de trois ans, la Cité malouine est un des points les mieux fortifiés et défendus de la Bretagne Nord. 

Lors du briefing, les détails de la mission sont donnés aux pilotes : ce sera l’opération Ranstead 146, comprenant huit Typhoons en deux escadrilles de quatre appareils chacun. Objectif : attaquer des navires à l’ancre dans les bassins de Saint-Malo. Démarrage des moteurs à 9 h 15, points météo et rappel des particularités de la Cité malouine… Les pilotes se sont déjà frottés à ses défenses antiaériennes redoutables. Le 7 juin, l’un des leurs, l’officier pilote Parent, a été abattu au large de l’île de Cézembre.

Les pilotes se dirigent vers leurs Typhoons. Quel changement par rapport à leurs précédentes montures, l’élégant bimoteur Westland Whirlwind : le Hawker Typhoon est impressionnant par sa taille (12 m d’envergure, 10 m de long, 4 m de haut, 5 tonnes), par sa puissance (un moteur de 2 200 ch), par ses performances (plus de 600 km/h en croisière) et par son armement (quatre canons de 20 mm, presque une tonne de bombes ou huit roquettes de 27 kg, soit la puissance de feu d’une bordée de croiseur)… 

Impressionnant aussi par sa courte histoire bien remplie : les maladies de jeunesse qui l’ont pratiquement fait interdire de vol, les victoires qui ont balayé les bombardiers rapides de la Luftwaffe du ciel anglais, les missions d’attaque au sol dans toute l’Europe… Tous ces éléments ont bâti sa réputation d’avion puissant et délicat à manier. Son rôle décisif durant la bataille de Normandie le fera entrer dans la légende.

Hawker Typhoon.

L’heure est venue de démarrer les moteurs pour un premier raid. Les « tyffies » roulent cahin-caha sur le terrain et prennent leur envol. La tactique sera habituelle : traversée de la Manche le plus bas possible pour éviter d’être détecté au radar, puis montée vers 3 000 m en vue de l’objectif et attaque en piqué, la vitesse étant la meilleure garantie de survie.

Saint-Malo se profile déjà et les deux escadrilles commencent à grimper, accrochées à leurs puissantes hélices quadripales. Au même moment, les unités antiaériennes de la Flak, se mettent en position. Quatre stations de DCA, installées au Bastion de la Hollande, au Fort du Naye, au Château et dans les bassins intérieurs, se préparent à l’affrontement. Les pilotes repèrent les navires dans le bassin de Saint-Servan (aujourd’hui Bassin Bouvet). Il s’agit de deux chalutiers armés, d’une goélette, l’Augustin Fresnel, et du fameux navire-hôpital Huxter, déjà malmené par la RAF au début du mois et qui a trouvé refuge à Saint-Malo. 

Canon Flak 20 mm.

Les Typhoons piquent à près de 600 km/h. Plusieurs cibles sont endommagées, mais aucun des bateaux visés ne coule. La Flak a réagi immédiatement et n’a laissé aucun répit à l’escadron. Ce premier raid est surtout marqué par la disparition d’un pilote, le Warrant Officer Alton James Ryan, 23 ans, originaire de Calgary au Canada. Son appareil est abattu et s’écrase sur le Bureau de Poste de l’intra-muros (voir encadré ci-dessous). Les autres pilotes rentrent indemnes à leur base.

Dans l’après-midi, le Squadron 263 décolle de nouveau de l’aérodrome de Bolt Head pour un autre raid sur Saint-Malo, avec les mêmes objectifs. Les résultats de cette deuxième attaque sont plus probants. L’Augustin Fresnel coule dans le bassin de Saint-Servan. Le cargo RO8 est touché. Le bateau-hôpital Huxter prend feu ; ses munitions explosent, mais il ne coule pas. Un autre pilote va périr lors de cette deuxième sortie : le Flight Sergeant Charlton, 22 ans, originaire de Sunderland en Angleterre, s’écrase en mer au large de Cézembre, dans le même secteur où le Flying Officer Parent est tombé le 7 juin 1944.

Dans les années 1990, des plongeurs retrouveront des débris d’avion au large de Cézembre. Une dizaine d’années plus tard, des chercheurs parviendront à identifier l’épave comme étant celle d’un des deux Typhoons abattus au large de l’île de Cézembre. S’agit-il de l’appareil du sergent Charlton ou celui de l’officier pilote Parent ? A ce jour, le mystère reste entier.

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