Mystérieuse Cézembre

Regard sur l’ancienne île de « September », devenue Cézembre.

Jusqu’à ce jour, je n’avais encore jamais mis les pieds sur l’île de Cézembre. Pourtant, chaque fois que j’entendais parler de cette île, les mêmes qualificatifs revenaient sans cesse : « Cézembre la mystérieuse »« Mythique Cézembre ». Et c’est vrai qu’elle paraît bien mystérieuse lorsqu’on l’aperçoit, souvent enveloppée d’un épais voile de brume, depuis la plage du Sillon ou la Cité d’Alet. En ce dimanche ensoleillé, j’ai donc décidé d’aller voir à quoi ressemble Cézembre.

Austérité

Après une traversé de 20 minutes, je débarque sur l’ancienne « September ». D’emblée, je suis frappé par l’aspect sommaire de l’île. Celle ci est en fait coupée en deux : au sud, une immense plage, au nord, une zone rocailleuse, quasi désertique et interdite d’accès pour cause de sol miné (mais nous y reviendrons). Déjà l’employé de la compagnie Corsaire à qui j’avais pris mon billet m’avait prévenu : « vous savez sur l’île, il y a une plage, un restaurant, et c’est à peu près tout… Etes-vous bien sûr de vouloir y passer toute l’après-midi ? ». Et effectivement, à première vue, les « distractions » semblent plutôt rares sur l’île.

Le tour de l’île

Je commence mon exploration par cette grande plage magnifique, orientée plein sud, la plus chaude de toute la côte d’Emeraude. Une plage très select puisque seuls ceux qui ont la possibilité de s’y rendre en bateau peuvent en profiter. D’ailleurs quelques embarcations flottent paisiblement à quelques mètres du rivage, ce qui fait rêver. Ensuite, j’escalade la falaise pour observer la partie arrière de l’île, l’immense terrain au relief escarpé sous le contrôle de la marine nationale. Au travers des grillages qui l’entourent, je découvre un paysage désolé, livré aux herbes folles. Cette zone est devenue une réserve naturelle pour les oiseaux de mer, mais curieusement je n’aperçois aucun « spécimen » depuis mon poste d’observation… Mon petit périple s’achève par un passage au restaurant « Le Repaire des Corsaires ». L’établissement qui domine la plage offre une vue imprenable sur la baie de Saint-Malo. Le patron des lieux est un personnage haut en couleur. Du haut sa falaise, il vitupère contre les plaisanciers qui visiblement ne respectent pas certains codes de bonne conduite. L’homme présente un caractère aussi rugueux que l’île dont il est le seul habitant, mais il a le bon goût de nous faire partager sa passion pour la musique pop-rock des années 60-70. C’est donc au son d’un classique de John Lennon que ma visite de l’île se termine.

Une histoire mouvementée

Alors, pourquoi Cézembre fascine-t-elle donc autant ? Probablement parce qu’elle a occupé une place importante dans l’Histoire de Saint-Malo. Je retiendrai trois épisodes que je me permets de vous résumer rapidement. Premier épisode : au VIème siècle, l’ermite gallois Maclaw (Saint-Malo) aurait accosté sur l’île et y aurait séjourné quelques temps, avant de rejoindre un autre ermite, Aaron, sur le rocher qui allait devenir Saint-Malo. Maclaw aurait d’ailleurs rallié la terre ferme à pied, ce qui peut paraître extraordinaire quand on sait que Cézembre se situe à 4 km la côte. Pourtant, jusqu’en 1438 un banc de sable permettait bel et bien de se déplacer à pied entre l’île et le continent… Deuxième épisode : à partir du XVème siècle, différentes communautés religieuses s’installent sur l’île. Régulièrement attaquées par l’ennemi anglais, elles en viennent à demander l’aide des malouins et de l’état. Les défenses de l’île sont renforcées, mais les pillages anglais ont finalement raison des religieux qui finissent par fuir l’île à la fin du XVIIème siècle. L’île passe alors sous le contrôle de l’armée royale et Vauban se voit charger de la fortifier. Troisième épisode : pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’armée allemande investit Cézembre et l’intègre dans son plan de défense des côtes européennes (« Mur de l’Atlantique »). A partir de 1944, les Alliés bombardent massivement l’île qui ne finit par tomber qu’après une résistance acharnée des soldats allemands présents sur place. A ce jour, Cézembre n’est pas encore entièrement déminée, ce qui explique pourquoi la plus grande partie du secteur est interdite au grand public.

En attendant le déminage

Tant d’histoires pour une si petite île. Il reste d’ailleurs encore quelques vestiges de ce passé tumultueux : notamment, des ruines d’anciens bâtiments religieux, des blockhaus de l’armée allemande, mais ceux-ci se trouvent sur la partie non accessible. Espérons que les opérations de déminage permettront un jour de visiter l’île dans son intégralité et de découvrir les trésors cachés de Cézembre. En attendant, il va de soi qu’après l’avoir visitée et après avoir découvert son histoire, je ne regarderai plus de la même manière cet étrange îlot que l’on aperçoit depuis la Cité d’Alet ou la plage du Sillon.

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